Maikiuants, un paradis en péril

Angel, dirigeant Maikiuants « Comme vous l’avez vu, nous vivons au paradis. Mais pour combien de temps ? Pour vouloir sauver notre territoire, ma tête a été mise à prix ».

Le samedi 29 avril 2017, nous partons à la rencontre des Maikiuants avec beaucoup de questions. À quoi s’attendre ? serons-nous acceptés au sein de la tribu ? Une expérience bouleversante au cœur de l’Amazonie équatorienne.

Tôt le matin, nous sommes au guichet de la compagnie aérienne « Aero Morona ». Erik (notre ami équatorien qui nous a proposé de réaliser ce reportage) est accompagné de Vincente, chef d’une communauté shuar (indigènes répartis en Equateur et au Pérou). Le vieux moteur de l’avionnette retenti. Caméra au poing, nous contemplons ce dense tapis vert sans savoir à quoi s’attendre.

Après 30 minutes de vol, nous atterrissons dans le premier village. Les enfants courent à leurs domiciles effrayés. Ils pensent que nous sommes des médecins. Les sourires sont effacés par leurs regards interrogatifs  « Que viennent-ils faire, si ce n’est pas pour nous vacciner ».

Atterrissage dans le premier village 

Nous rentrons dans la maison de Vincente, où sa femme nous tend directement un bol rempli de chicha de yuka (manioc) fermentée. Nous reviendrons à cet aspect culturel plus tard dans ce récit. Nous discutons avec les villageois, qui heureux de nous recevoir préparent une danse en fin d’après-midi. A vrai dire, nous trouvons ce village sympathique mais peut intéressant. Les habitations traditionnelles ont disparu pour laisser place à la cabane en bois construite à l’aide de planches rectangulaires. On y trouve même l’internet et autres technologies apportées par la modernité. Erik nous confie que les Maikiuants n’ont pas suivi le même modèle que cette communauté.

Nous terminons cette journée à manger d’énormes larves sorties de la terre que l’on appelle ici  » Ijiach ». Cuites dans des feuilles de banane façon « ayampaco » les larves ont gardé leur graisse et sont aussi tendres que de la semelle de chaussure. L’aspect comme le goût est assez repoussant. Ayant délaissé une bonne partie des larves, les femmes s’empressent de les terminer en une seule bouchée. Comme quoi, il faut naître avec pour pouvoir aimer.

Le lendemain, nous empruntons un chemin à travers la jungle. Il pleut des cordes tout au long de la marche, transformant le chemin en une coulée de boue épaisse. Nous nous enfonçons parfois jusqu’à la ceinture. Soudain, nous craignons que les fortes pluies aient augmenté le niveau de la rivière. A hauteur de celle-ci, Vincente adjuge que nous pouvons traverser, ce que nous exécutons. Tout le monde passe sans problème. Après 4 heures de marche, nous atteignons le village des Maikiuants perché à 1000 mètres d’altitude au milieu de la jungle amazonienne de l’Equateur. Les « Jea » (habitations typiques shuar) dégagent une fumée blanche. Personne en vue dans le village, nous attendons dans une cabane retirée. Erik revient et nous annonce que nous ne pouvons rester que trois jours. Nous lui demandons le pourquoi, il nous répond qu’ils ne peuvent prendre en charge notre nourriture. Nous sentons qu’il y avait autre chose derrière tout cela. Nous nous rendons dans une salle de réunion, où une partie du village nous attend pour parler. Les regards sont lourds, aucun sourire, l’ambiance est plutôt tendue. Un homme nous marque particulièrement, il tient une lance dans sa main avec une parure des plus traditionnelle. Il nous fixe droit dans les yeux, son regard est celui d’un homme fort. Il a probablement l’image du shuar que les colons avaient croisé 5 siècles auparavant.

jea, maison traditionnelle shuar 

Pour info, les colons les avaient appelés les Jivaros, autrement dit les sauvages. Ce peuple a été convoité par de nombreux ethnologues pour les légendaires tsantsas, les têtes réduites. Après avoir tué un rival important d’une autre communauté, les shuars découpaient soigneusement la tête du perdant. Après un processus d’ébullition, de séchage etc… la tête réduite était portée autour du cou comme trophée de guerre. elle permettait de chasser l’esprit du mort et d’éviter de nouvelle guerre avec des clans rivaux. Depuis les années 1960, ces pratiques ont été abolies. Cependant, l’influence touristique à parfois poussé certains illuminés à découper des têtes de cadavres pour en faire des tsantsas et les revendre ensuite sur le marché noir.

Pour en revenir à notre histoire, nous nous asseyons face aux villageois et leur expliquons avec l’aide de Vincente la cause de notre venue. Il y a beaucoup d’incompréhension et de méfiance. Après la parole du chef, Angel, nous nous levons et reportons la réunion au lendemain avec l’ensemble de la communauté.

Certains d’entre eux pensent que nous sommes de l’église et se demandent si nous sommes des envoyés du diable. Cela fait rire tout le monde et nous de même. Après de longs discours, ils acceptent notre présence pour 10 jours au sein de la communauté.

Si notre bonne foi a été mise en doute, il y a des raisons. Dans les années 60-70, les missionnaires sont arrivés sous le nom du Christ. De cadeau en cadeau, les shuars se sont laisser convaincre. Ils ont fini par accepter que les prêtres prennent les enfants pour les amener à la scolarité, ou plus précisément au modèle occidental. Angel nous racontait qu’ils étaient emmenés contre leur volonté. Ils étaient battus, ils devaient obéir aux ordres sans broncher et s’adapter à leur nouvelle culture. Le shuar était totalement interdit. Le parler était synonyme de ne plus avoir le droit de manger. Alors un jour, Angel a pris la fuite et est retourné auprès des siens : « Tout avait changé, je ne me souvenais plus de rien, ni de mes rites ni de ma culture, j’ai dû réapprendre. On a perdu beaucoup de nos traditions suite à ces années ». C’est de cette manière que des centaines de tribus amazoniennes ont délaissé leur vie traditionnelle pour le modèle occidental.

Aujourd’hui, les shuars Maikiuants tentent de renouer totalement avec leur culture. Ils ont une éducation tout à fait particulière hors du programme gouvernemental.

Antun Chias Ipiaknua, habitante et professeur de la communauté 

Galo, président de la communauté nous confie « Nous ne portons que parfois l’habit traditionnel, mais regardez autour de vous, notre manière de penser n’a jamais changé. Nous vivons avec la forêt, notre dieu « Arutam » est dans la forêt. Nous la côtoyons avec beaucoup de respect car elle est à la fois notre amie mais aussi notre ennemie en cas de danger ». Peu à peu nous apprenons à les connaitre et à comprendre le lien qu’ils maintiennent avec la forêt.

grenouille rencontrée dans la jungle

Quant à nous, Nous sommes acceptés sous certaines conditions. Nous devons nous adapter aux coutumes et traditions et manger leur nourriture. Mis à part les premiers jours de test qui furent plus difficiles (Et oui, les énormes larves de terre sont de retour, et cette fois en quantité) le reste fut plutôt simple à avaler et même très bon. La cuisine des shuars est assez simple et peu épicée. La base alimentaire est composée de :

  • La banane. Verte, mure, petite ou grande, on la retrouve à tous les repas.
  • La yuka ou manioc
  • La chonta, ( durant le mois de mai) fruit d’un palmier où se récolte également des larves  » chotancuro »
  • La papa china, une patate blanche au gout peu prononcé
  • El camote, patate douce blanche
  • Le mais
  • La palmita, cœur de palmier. On le retrouve dans beaucoup de soupes
  • Iñak, boule ronde à la chaire orange, similaire à celle de l’avocat mise à part qu’elle est plus sucrée

 

Ces aliments de base sont accompagnés de temps à autre de viande de bœuf (certains ont quelques têtes de bétail) mais plus souvent de poisson, de wanta (mieux connue sous le nom d’agouti) ou de larves.

Jeune fille du village avec une wanta 

La chicha est une boisson sacrée dans de nombreuses communautés de l’Amazonie et l’est également chez les shuars. La chicha est ici faite principalement de manioc. Cette boisson est distribuée à toute heure du jour par la femme qui a élaboré la chicha. Celle-ci est fermentée quelques heures avant d’être servie. Elle sert non seulement a combler la soif mais aussi la faim. La femme distribue donc la chicha à chaque personne. Après avoir bu, il est important de remettre l’amamuk (grand bol contenant la chicha) à la femme, qui le passera elle-même au suivant. Ainsi de suite se vide une marmite de 10 litres en moins d’une heure.

Comme décrit antérieurement, les larves sont un met très apprécié dans la culture shuar. Lors de notre séjour, nous avons eu l’occasion d’en goûter deux : Les Ijiach au gout infâme, vivant sous la terre et les Mukin. Ces dernières, vivant dans des palmiers sont succulentes. Un matin, nous partons à la récolte de larves de palmier. Nous nous dirigeons à travers une jungle épaisse et humide, où le bruit des insectes vous plonge dans un autre univers. A coups de machette, le chemin se dessine à travers cette densité. Nous sommes maintenant dans le cour d’une rivière que nous remontons. Soudain Jaime, un jeune shuar s’écrie : la equis, la equis ! . Personne ne bouge. Nous apercevons ce serpent extrêmement venimeux installé dans le creux du rocher. Pinchu nous ordonne de passer sur le coté à quelques mètres car l’animal à une détente d’attaque assez impressionnante. Nous passons sur le côté, l’animal ne réagit pas. Nous sommes en sécurité. Pinchu nous raconte « Si vous vous faites mordre par un serpent, le premier reflex à avoir est de le tuer. Il faut ensuite l’ouvrir et absorber le petit sac noir (la bile) qui est accroché à son foie. Ainsi vous survivrez ».

la equis installée dans le creux d’un rocher

Après une bonne heure de marche, nous atteignons les premiers palmiers. Trois mois auparavant, une partie de la communauté vient couper les palmiers dans le but de les laisser pourrir au sol. Une fois à maturité, ils viennent dans la forêt pour la récolte. C’est à coups de hache et de machette que le tronc est découpé et entaillé. Les larves sont blotties dans de gros cocons élaborés avec le bois du palmier. Les troncs en sont remplis. De temps à autres nous en glissons une toute fraîche dans notre bouche pour reprendre des forces. Même crues les larves sont savoureuses. Elles s’apparentent fortement à un fromage doux de nos contrées.

 

Les shuars sont également de grands enfants. Ils adorent jouer dans la jungle. Avant le retour au village ils nous font la surprise du « Jeu de la liane ». Après avoir dégagé les gros troncs du chemin, il est temps de s’élancer. Nous nous balançons tel tarzan sur une liane. Les rires et les cris transpercent la forêt. Plus nous partons dans tous les sens, plus les rires sont intenses. Nous passons une bonne heure à essayer d’aller le plus loin possible avec la liane. Un incroyable moment fait de simplicité.

Si les Maikiuants ne portent plus l’habit traditionnel quotidiennement, ils ne l’ont pour autant pas délaissé. Le vendredi est le jour où les enfants doivent obligatoirement porter la tenue. Les femmes sont vêtues de longues robes bleues. Elles agrémentent leur parure de colliers ou de boucles d’oreilles. À leur taille, elles portent une ceinture où un ensemble de graines sont accrochées. De cette façon, lors des fêtes et des danses, les graines émettent un son harmonieux avec la musique provenant de longues flûtes et autres calebasses. Les hommes sont assez petit et ont une forte carrure. Ils sont torse nu et portent un long collier qu’ils disposent sur leur torse de manière à former une croix. Le collier est composé d’une multitude de graines de couleur rouge et noire ainsi que d’os parfaitement droits provenant de hiboux « les tallos ». Ils portent une jupe longue de couleur blanche et bleue. Certains sont vêtus d’un couvre-chef fait de plumes d’oiseaux tropicaux. Lors des festivités, ils ont un ensemble de graines accrochées à leurs chevilles pour les faire vibrer au son de la musique.

Le vendredi, les jeunes portent la tenue traditionnelle

Dans la communauté, les tâches sont bien réparties. Les hommes s’occupent du travail physique pendant que les femmes se chargent du foyer : elles cuisinent, s’occupent des enfants et font également des poteries pour la cuisine. Un art intéressant qui se poursuit de génération en génération. Les femmes vont d’abord chercher du Nuwe ( argile du fleuve) ou de la terre molle. Elles sculptent ensuite avec cette même matière des plats pour manger, appelés pinink ou des bols à chicha, appelés amamuk. Une fois la sculpture réalisée, elles la laissent sécher trois journées au-dessus du feu.  La sculpture bien sèche sera ensuite mise dans le feu. La croyance exige de toujours rester face aux plats afin qu’ils ne se brûlent pas. La cuisson terminée, les plats sont peints avec de l’achiote (capsules renfermant des graines rouges. Celles-ci sont également utilisées pour les peintures corporelles). Pour terminer, des dessins et des phrases sont gravées sur les plats.

Après quelques jours, au dîner de midi, Angel nous annonce que le lendemain nous devrons faire le vomitif. Cette pratique sert à purifier le corps en recrachant toute l’acidité accumulée. À 4 heures du matin, nous nous levons et marchons encore endormis jusqu’au centre communautaire. D’énormes marmites sont posées sur le sol. Celles-ci contiennent le liquide qui va nous faire vomir. Angel explique : « Il faut boire, boire et encore boire jusqu’à ce que tout sorte d’un seul coup ». L’ensemble du village se met à vomir et nous aussi. Une fois purifiés, nous allons déjeuner.

Autrefois, cette pratique était exercée tous les jours. Aujourd’hui elle est encore pratiquée toute les deux semaines.

En vivant cette expérience, nous nous sommes rendu compte que les Maikiuants sont des savants de la jungle. Comment ont-ils découvert que cette plante produirait cet effet de purification corporelle par vomissement ? Cela fascine, car il s’agit là d’années de tests, de transmission de savoir entre générations. Nous avons perçu leurs connaissances à travers leurs gestes, leurs attitudes face à la nature. Rien n’est coupé, ni arraché involontairement. Le pas, la manière de se déplacer parait calculé pour ne rien détériorer. Chaque feuille est un être vivant, chaque souffle du vent est un signal de la forêt, chaque bruit à sa signification.

Les plantes font partie de la vie des Maikiuants. Que ce soit pour se nourrir, pour se soigner ou encore pour avoir des visions, elles sont omniprésentes dans leur vie. Nous avons d’ailleurs participé à un bain shuar.

récolte des plantes pour le bain 

Tout d’abord, il faut aller récolter des pierres dans la rivière. Les pierres sont ensuite amenées dans la Jea (habitation traditionnelle) où on les chauffe avec du bois sec. Des marmites sont disposées sur les mêmes tas de bois. Des plantes aux diverses vertus sont incorporées à la marmite. (De temps à autre ils y mettent des plantes hallucinogènes mais pour inhaler cela il faut jeûner quelques jours auparavant). Une fois le tout bien macéré, deux personnes se mettent autour de la marmite drap sur la tête. Les pierres chaudes sont mises dans la marmite dégageant une vague de chaleur intense. La sudation commence alors. Au fur et à mesure, la taille des pierres augmente. Les vagues de chaleur sont de plus en plus difficiles à supporter, mais l’arôme qui se dégage est juste exquis.  Par moment, on nous passe un bol de chicha composé de manioc, de canne à sucre (cana de mani) et de gingembre afin de ne pas se déshydrater. Une fois terminé, il faut sortir et se laisser sécher naturellement. Le mieux est de ne pas se laver jusqu’au surlendemain afin de laisser l’arôme des plantes pénétrer. Avant ce bain, Julien était fortement enrhumé à cause de l’humidité des lieux. Il est ressorti sans le moindre écoulement de nez.

La cérémonie de la ayahuaska :  ayahuaska est devenu un mot commercial à travers toute l’Amazonie. Sa gloire résulte du mélange de deux lianes ayant pour effet de procurer des visions. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, elle fait partie des circuits touristiques. Alors de faux chamans proposent des cérémonies à bas prix. Les touristes confiants prennent parfois cela à la légère en oubliant que cette liane peut également tuer si elle n’est pas prise dans les règles de l’art.

La ayahuaska est consommée par de nombreux peuples amazoniens depuis des siècles. Les premières traces de sa consommation ont été relevées en Equateur, puis ensuite au Pérou, au Brésil et en Colombie. Les peuples de l’Amazonie l’utilisent pour voir le chemin à suivre en cas de conflit, de doute, de mariage etc… ce mélange permet d’avoir des visions sur sa propre existence. Elle permet également de rentrer en contact avec la jungle afin de la comprendre pour ne pas y laisser sa vie. Par son lien spirituel qui connecte l’homme à la nature, la ayahuaska est vénérée par les peuples de l’Amazonie. Chez les shuars Maikiuants, la cérémonie de la cascade avec ayahuaska était autrefois un signe du passage de l’enfance à l’âge adulte. Aujourd’hui, seul les plus téméraires s’y lancent. La cérémonie est difficile et requiert un physique paré à toute épreuve.

Actuellement, les shuars la consomment toujours. Avant la prise, il est important de jeûner et d’éviter de consommer de la viande pendant quelques jours. De fait, la ayahuaska provoque de forts vomissements qui selon les dires seraient d’une douleur incroyable. Moins les aliments sont gras moins les vomissements seront douloureux.

Si les shuars sont d’excellent chasseurs ils ont également appris à cultiver les terres. Le travail se réalise en communauté. Chaque famille à ses terres mais les aliments sont partagés avec toute la communauté. Il n’y a aucune subordination, tout le monde travaille ensemble dans la bonne humeur et les rires. Nous avons la chance de nous rendre à la minga ( cultiver les terres)   de Pinchu. La parcelle est dans une pente abrupte facilitant la coupe des arbres. Ce qui est fascinant c’est qu’il n’y a aucune machine. Les seuls outils sont des machettes et des haches. Les hommes taillent de fins troncs afin de les utiliser comme des pelles pour retourner la terre. Ensuite, les hommes commencent à faire tomber les arbres. Le bruit de la chute est juste impressionnant. Pendant ce temps, nous retournons la terre afin que les femmes y plantent des pousses de manioc. Aucun homme n’est autorisé à planter. Les gros troncs sont laissés au milieu de la parcelle. Au fil du temps, ils pourriront et produiront de l’engrais naturel.

les femmes coupent les pousses de manioc 

Après l’effort, le réconfort 

C’est en se rapprochant des racines de l’homme que l’on observe son équilibre vital. Moins une société est influencée par les artifices de la modernité plus celle-ci se rapproche de cet équilibre que l’on peut définir en un seul mot : Le bonheur. Le bonheur est pourtant en chaque homme. Cependant, nous l’avons étouffé par les obligations dictées par le monde industriel. Les médias, la télévision, la publicité nous présentent un modèle utopique du bonheur. Le bonheur n’est en fait que le synonyme de liberté. L’homme libre suit ses inspirations, travaille en communauté, mange à sa faim et prend le temps de chanter et de rire pour exprimer la jouissance que procure sa liberté.

Et pourtant, notre monde en soif de croissance  compromet leur liberté. La cordillère du Condor, où se trouve les Maikiuants a été vendue par le gouvernement Équatorien. Rafael Correa, président jusqu’en Mars 2017 a vendu les terres à l’industrie minière. Le gâteau est divisé entre la Chine et le Canada. Les villages voisins ont déjà subi la répression de ces grandes multinationales. Pour défendre leurs terres et le territoire du condor, les Maikiuants sont considérés comme des terroristes. Angel nous confie « Je ne peux plus sortir du village. Je pourrai me faire tuer à tout moment. Je veux juste défendre la terre de mes ancêtres. Personne ne veut vivre ailleurs. On n’a rien demandé, on veut juste vivre en paix. J’espère que notre voix sera entendue au-delà de l’Equateur ».

Pinchu et Ipiaknua, un couple de la communauté 

Après avoir passé 10 jours avec les Maikiuants, c’est émus que nous repartons en direction du petit village de Limon. Après 6 heures de marche intense à travers une boue épaisse, nous atteignons le premier petit village appelé la Victoria. Les Maikiuants nous avait prévenu, il fallait nous organiser pour passer en toute discrétion car les gens de la Victoria sont à faveur de l’industrie minière. Ces derniers peuvent nous causer des problèmes s’ils savent ce que nous faisons ici. Comme nous l’avions prévu, un véhicule nous attend et nous passons le village en toute discrétion.

Il faut le vivre pour le comprendre mais nous espérons que cette lecture vous permettra de ressentir une part de notre expérience. L’harmonie qui flotte sur la communauté des Maikiuants est incroyable. Les gens chantent, rigolent et partagent tout avec vous. Nous sommes repartis plein d’émotion avec une famille au fond de la jungle. Les enfants nous ont également touché. Leurs sourires resteront gravés à jamais. Nous avons pu lire dans les yeux des Maikiuants la peur d’être expulsé ou exterminé.

Nous espérons de tout cœur que leur voix traversa l’atlantique